Pourquoi quitter twitter m'a fait du bien

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J’ai comme un certain nombre de personnes quitté Twitter en novembre 2022 lorsqu’il a été racheté par Musk. Ma décision a été motivée par la crainte de ce qu’allait faire Musk de twitter : une estrade pour des néo-nazis, transphobes et suprémacistes blancs et une place de marché ou la haine est mise en avant. À cela s’est rajouté un arrêt de reddit après les soucis de blocage des APIs (je ne fais plus que consulter sans poster quelques subreddit).

Je suis assez revenu sur tous les trucs autour de Musk et de Twitter sur mon blog d’informatique quarante-douze. Sur pourquoi il est un des fers de lance de l’enshittification, sur le fait qu’il fait partie d’un phénomène de “marketplacisation d’internet”, sur le fait qu’il est devenu un outil de propagande pour les pires horreurs. Pour moi, il est important de ne pas soutenir twitter, et on a de plus en plus de preuve de cela (rien que dernièrement, il a retweeté des théories anti-démocratie, fait des procès dans tous les sens pour taire les critiques et exciter des émeutes).

Mais j’aimerais ici parler d’un autre aspect : pourquoi même sur le plan personnel, quitter ce site m’a fait du bien et pourquoi même avant le rachat par Musk le terme “hellsite” était souvent utilisé pour décrire twitter. Bref, j’aimerais parler des soucis qu’à Twitter en tant qu’espace de socialisation, et pas juste des soucis de la Muskisation du site.

Depuis ce départ de twitter (puis de reddit), j’ai concentré mon activité autour du “web social” en deux grandes façons de faire :

  • Je fais encore un peu de microblogging, mais sur le fedivers et parfois un peu sur bluesky (même si celui-ci risque d’avoir les mêmes soucis que Twitter un jour), mais j’y suis assez peu de compte et je ne doomscroll plus du tout. Notamment, j'y suis plus des personnes et moins des groupes/sites (pour ça j’ai les flux RSS).
  • Je passe plus de temps sur l’internet des site-web, soit sur mes propres sites et blogs à créer des nouveaux trucs, soit à regarder un peu ce que les gens font, les articles qu’ils écrivent, etc.

Cela m’a apporté quelques améliorations dans ma vie, et ça m'a permis de voir que mon rapport aux réseaux sociaux n'était pas giga sain.

La première amélioration est que j’ai gagné pas mal de temps libre. J’avais tendance à passer beaucoup de temps à scroller sur twitter, et je ne me rendais pas compte que je perdais beaucoup de temps sur ça. Même si je suis sur d’autres réseaux, j’y suis désormais moins de compte et du coup j’arrive plus vite “au bout”, et je ressens moins le besoin d’aller scroller compulsivement. Même si j’ai eu un moment des soucis du besoin de retourner voir régulièrement certains subreddit, ça va maintenant mieux maintenant que j’ai arrêté en partie Reddit (notamment, je n'y poste plus, et j'ai bloqué tous les subreddit un peu schadenfreude). Ce temps dégagé m’a permis de faire des trucs plus constructifs sur internet : gérer mes sites, reprendre bien plus le blogging (en gros les sujets sur lesquels j’ai quelque chose à dire, j’en parle en article), lire plus d’articles via mes flux RSS et d’autres veilles que je suis, etc. Même si je ne passais pas tout mon temps sur twitter, cela me prenait parfois du temps que j’aurais pu utiliser à des activités me faisant moins me sentir mal après.

Je dirais même qu’en général, ça m’aide à plus prendre le temps. Je réagis moins à chaud sur l’activité (même si j’en parle en privé), j'attends de mieux comprendre ce qui se passe. Si je booste toujours les toot que je trouve intéressant, pour parler je prends plus mon temps (je dis toujours des bêtises par contre). Et d’ailleurs pareil : moins me prendre toutes les horreurs du monde me fait du bien. Même si je vois toujours les événements via les quelques journaux que je suis, et via le fait que ma timeline Fedi est très engagé, c’est moins violent que ça l’était sur Twitter. Si au début je culpabilisais, je me dis maintenant que constamment savoir tout ce qui se passe de grave à l’instant t ne sauvera personne. J’essaie de continuer de booster ce qui se passe (parce qu’on vis pas des moments super jouasse politiquement et géopolitiquement parlant), mais je me sens moins obligé de me renseigner sur 100% des derniers faits. C’est aussi pour ça que j’évite les rubriques faits-divers et les chaînes d’informations en continu. J’agis toujours politiquement, je parle de politique et je fais mon possible pour diffuser des idées progressistes et visant l’amélioration du monde, mais je doomscroll beaucoup, beaucoup moins. Cela m’aide à me sentir plus calme, même si j’ai toujours parfois l’impression que tout va mal tourner, j’ai plus d’énergie à mettre pour lutter. Parce que je pense que sur pas mal de chose, les réseaux sociaux en montrant constamment le pire (dont on doit conserver l’idée qu’il existe), fait des biais cognitifs très proches de ceux causés par les faits divers (ce qui renforce l’extrême droite, qui utilisent beaucoup les faits divers pour se renforcer). Mais du coup, éviter ça m’apporte une grosse source de stress en moins.

Cela m’a permis aussi de plus renouer avec un web qui me plait plus, plus créatif, plus fun. Je passe pas mal de temps sur Sheezy à regarder les créations des gens, sur neocities et autres sites du “petit web”. Je parle à mes potes plus sur des trucs de messageries instantanés. J’espère que ce mouvement va aussi toucher un jour les forums, et qu’on va voir un refleurissement de forums dans les prochaines années. Mais en tout cas, voir plus de sites différents, lire plus de blogs, etc. m’a fait du bien, puisque cela me permet de lires des articles ayant plus de temps pour développer leur opinion, et moins touché par la manière dont les algorithme formate l’opinion. À cela, j'ai ajouté le fait d’essayer de passer moins de temps sur l’ordinateur, à lire plus, à sortir plus avec des ami⋅es, et embêter plus mes chats (activités essentielles) — même si je reste très en ligne, ahah. La diversité de mes activités, de mes sources d’informations, etc. a été enrichie par ça, aussi bien sur le web que hors du web.

Mais bref, je trouve que la vie est maintenant plus paisible. Cela ne veut pas dire que les soucis du monde sont moins graves, mais je me sens moins comme si on m’injectait toujours le pire en intraveineuse. Je prends plus mon temps et je profite un peu plus. Je vais essayer de ne pas retomber dans ces pièges par la suite, et de continuer de rendre un peu plus saine mon utilisation d’internet :) On parle souvent du “danger des écrans” ou des “risques d’internet”, mais je pense que le plus important, c'est surtout d’en avoir une utilisation qui ne nous fait pas du mal. Le monde nous fait déjà assez de mal comme ça, surtout quand on est différent (quand on est une femme, un⋅e LGBT, un⋅e racisé⋅e, un⋅e neuroatypique, etc), et que du coup, si on peut, cela peut nous aider de ne pas avoir ces endroits qui amplifie cela.

C’est aussi pour toutes ces raisons que j’ai bloqué les YouTube Shorts sur Youtube, parce que je sentais que je commençais à tomber de temps (je peux encore en voir individuellement — genre, j'adore ceux de mème sur Wings of Fire (dergs) — mais avec l’interface d’une vidéo youtube habituelle).

Tout cela m’a fait comprendre un truc : quitter twitter est loin d’avoir été un grand sacrifice. Je vis mieux maintenant sans qu’avec.