96. In the Storm

13 minutes

« Plonger dans un tel orage ? C’est complètement déraisonnable, tu ne peux pas décider de faire ça ! C’est peine perdue ! »

Brume avait sauté de l’archipel de Nivose pour plonger dans l’orage. La jeune harpie avait passé une grande partie de sa vie enfermée dans l’archipel flottant, à ce qu’on lui interdise de sortir, de voler à sa guise. On lui avait dit qu’elle n’en était pas capable, qu’être aventurière était quelque chose de réserver aux plus fort, à ceux « mieux » qu’elle. Elle n’avait appris à volé que parce qu’elle avait pu le faire en secret. Et c’était un nouveau monde qu’elle avait découvert ce jour là. Le monde de l’air qui passait entre ses plumes, le monde de l’énergie qu’elle pouvait déployer à voler comme elle pouvait.

Elle avait découvert la liberté. Chacune de ses escapade était devenu un moment pour s’affirmer. Un moment pour montrer ce qu’elle avait été capable. Lorsque cela avait été découvert, tout le monde avait été mis devant le fait accompli, et devant un autre fait qui les avaient embêté : le fait qu’elle pouvait bien aider. Avec réluctance, il avait été accepté qu’elle aide à porter des messages et quelques objets entre les îles – les personnes pouvant voler étant largement plus pratique. Elle avait été accepté comme faisant partie de la poste nivosienne. La Citoyenne Brume avait même eut le droit à une médaille.

Mais ici, elle ne faisait pas ça pour ressentir l’adrénaline qu’elle aimait tant, ou pour la fierté d’être récompensée. Une vie était en jeu. Un ondin était tombé du bord. Ce n’était pas quelqu’un qu’elle connaissait tant. Elle l’avait croisé deux~trois fois à l’université qu’elle avait rejoint en Vendémiaire, un mec pas méchant, un peu renfermé, et un peu difficile à suivre quand il partait deux heure sur un sujet qui l’intéressant – surtout pour Brume pour qui passer plus de cinq minute à écouter quelque chose n’était pas toujours possible. Bref, une relation un peu lointaine parmi tant d’autre. Elle n’était même plus totalement sûr de son nom, Limeuil elle pensait, ils avaient peu de cours en commun.

La harpie avait été furieuse quand on lui avait dit que le peu de lien qu’ils avaient voulait dire qu’elle devait le laisser périr. Elle savait qu’elle avait le droit de le faire. Rien ne l’obligeait à plonger dans cet orage. Elle n’en avait pas vraiment « envie » non plus. Cependant, Brume avait envie que cette personne soit en vie, soit sauve. Elle voulait le voir vivre une journée supplémentaire, elle voulait qu’il ne soit pas une ligne dans une rubrique nécrologique. Et elle allait faire en sorte d’avoir ce qu’elle voulait.

Brume avait donc plongé. Dans la tempête. Peut-être qu’il y aurait deux mort ce soir, mais elle ferait tout pour qu’il n’y en ai aucun. Tout le monde survis. Tout le monde doit survivre. Elle fonçait. Elle n’était pas mage. Elle n’avait pas le grand pouvoir des signes, capacités occultes offrant des pouvoirs incroyables. Mais elle était très rapide. Le vent, le froid, l’électricité, l’humidité présente dans l’air, tout cela hérissait son plumage.

Elle le voyait. L’ondin. Il était toujours conscient, et tentait désespérément de battre les bras, comme si ça pouvait ralentir sa chute. Brume tenta de crier. Aucune réaction. Elle se rapprocha petit à petit, jusqu’à ce qu’il la remarque. Ses yeux s’ouvrit grand. Elle le voyait mal, ne remarquant pas la surprise dans son regard, ne remarquant pas que jamais il ne s’était attendu à ce qu’on tente le sauver.

Le sol était encore loin, mais il fallait agir vite. Elle n’était pas sûr de combien de temps elle aurait encore assez de hauteur pouvoir transformer son piqué en un planage. Son cœur battait la chamade, sa vision se floutait presque, elle était si proche de réussir. Mais peut-être que tout échouerais avant même qu’elle le comprenne. Il fallait rester concentrer. Le rejoindre. Le faire s’accrocher. Rien d’autre, pas de monde autour. Pas de pluie, pas d’électricité, pas de tempête. Une personne à sauver. Oublier le froid glaçant et humide qui s’imprégnait en ses plumes. Elle pour le sauver. Rien de plus, le reste devait être pris en compte mais pas occuper sa penser. Le vent qui siffle ne devait pas être une distraction.

Juste plonger.

Aller vite.

Une course contre la montre.

Contre une la gravité.

Le doute commençait à s’insinuer en Brume. Tout ses sens lui disait qu’il fallait qu’elle arrête, l’anxiété du danger montait. La harpie refusait d’abandonner. Sa vue commençait à se flouter, ses sens à se mélanger. Elle savait qu’elle se rapprochait, se concentrait uniquement sur son objectif, mais le monde autour d’elle commençait presque à se dérober.

Cependant, un contact la ramena à la réalité. Des bras. Quelqu’un accroché à elle. Brume avait atteint l’ondin, qui s’accrochait à elle avec toute les forces qu’il lui restait. Ce contact la sorti immédiatement de sa transe, et lui redonnait de la concentration, de la capacité à percevoir autour d’elle. Cependant, le sol se rapprochait vite. Très vite. Brume commença à redresser, déployant ses ailes autant que possible. Le but était de forcer son inertie à être transféré en vitesse horizontale.

La friction de l’air sur ses ailes était douloureux, mais la harpie sentait qu’elle commençait à se rapprocher de planer. Les jambes et les bras de Limeuil se crispait aussi autour d’elle, le jeune homme s’accrochant comme il pouvait. Elle restait concentré. Elle devait bien gérer ses ailes pour pouvoir glisser jusqu’à pouvoir atterrir à l’horizontale. Ils avaient une chance de survivre. L’atterissage serait douloureux, en catastrophe, mais ils pouvaient survivre. Cependant, les vents les ballottaient encore.

Le sol se rapprochait, ils étaient presque à l’horizontale maintenant. Brume voyait une zone d’herbe détrempé par la tempête. Ce serait parfait. Elle s’y dirigea, et les deux y atterrirent lourdement, profitant de l’aspect mou et boueux du sol pour être en sécurité. Juste avant le sol, par réflexe, Brume couvrit Limeuil de ses ailes, et les deux s’écrasèrent dans la boue.

Les deux se relevèrent, Brume prise d’un sentiment de victoire tel qu’elle ne l’avait jamais ressenti.

— ON A SURVÉCU ! hurla-t-elle vers le ciel, même si personne de l’archipel pouvait l’entendre là où ils avaient atterrit.

Limeuil lui se recroquevillait, le contrecoup du choc et de la terreur le bloquant totalement. Il n’arrivait pas à partager le sentiment de puissance que Brume ressentait encore. Il était comme sonné, n’arrivant pas à se rendre compte de ce qui s’était passé. Il était tombé du rebord. Il avait failli mourir. Il serait mort, sans l’action de Brume. Où si ça avait échoué. Ou si la foudre les avait frappé.

— VOUS M’ENTENDEZ LÀ-HAUT, JE L’AI SAUVÉ, ET VOUS ÊTES NUUUUULS, criait toujours Brume vers le ciel.

Des personnes s’approchait, pour aider les deux êtres tombés du ciel. Les secours furent appelle pour les nombreux bleu qu’avaient les deux Nivosiens, malgré les regards pleins de méfiance que certains leur lançait. Cela faisait après-tout plus de 200 ans que Nivose n’obéissait plus à la France, depuis l’empire Napoléoniens où l’île avait répondu « ahahah non » à l’idée de l’Empire. Depuis, malgré les nombreux changements de régime de la France, les Nivosiens avaient une réputation de révolutionnaires permanent. Cependant, cette méfiance était marginale, par rapport aux personnes voulant apporter de l’aide. Plus de gens qu’on le pense sont capable de laisser tomber une rivalité ancienne face à deux enfants tombé du ciel et en besoin de secours.

En attendant les secours, l’adrénaline de Brume retomba, et elle se senti épuisée. Aussi bien physiquement que moralement. Elle se cala à côté de Limeuil, qui lui commençait à un peu se remettre.

— Merci, arriva juste à formuler Limeuil.

— T’inquiète, répondit-elle. Tu m’aideras à réviser en retour.

Pour la première fois depuis ce qui lui semblait avoir paru une éternité – mais qui était pourtant au final très peu de temps – Limeuil sourit.

Finalement, les secours arrivèrent, et c’est dans l’ambulance qu’enfin Brume commença à somnoler. Elle se sentait contente. Plus tellement fière, mais plus contente. Une catastrophe avait été évitée. La harpie sentait qu’en sauvant quelqu’un, elle avait rendu le monde un peu meilleur – où plutôt l’avait empêcher d’être devenu un peu pire. Limeuil serait vivant, ses parents ne seraient pas en deuil d’avoir perdu leur fils, ses amis d’avoir perdu leur pote. Une des catastrophes banales de ce monde avait pu être évitée, et ce parce qu’elle avait refusé d’en rester spectatrice. Elle n’était pas capable de sauver le monde, mais avait pu en sauver une petite partie.

Brume commença à s’endormir, à côté de Limeuil qui en avait fait de même depuis un moment.