32. Night

13 minutes

Samain marchait dans les rues de la cité de Werenia, la cité ou tous les mages approfondissaient leur connaissance pour découvrir les secrets des forces surnaturelles. La grande cité étudiante avait des rues toujours animées le vendredi soir. Les traditions étudiantes de la ville faisaient de ce soir le soir de l’excès et de l’amusement, avant le weekend. À Werenia, peu d’étudiant rentraient chez leurs parents les samedi et dimanche, à cause de la distance.

Elle sortait du café de Gunda, un·e vampire qui tenait un petit café à chat de la ville. C’était son endroit préféré, un endroit doux et calme où il n’y avait pas d’alcool mais une grande collection de thés et de cafés divers. La jeune alchimiste s’y posait tous les soirs avant de rentrer à l’appartement, pour profiter un peu de l’ambiance et discuter avec læ tenancier·e. Les arômes et les odeurs des infusions se mêlaient avec celle du vieux bâtiments, avec l’ambiance des poutres apparentes et des vieux murs. Un endroit qui semblait à la fois hors du temps, contenant l’aspect nostalgique des vieux bâtiments sans être rempli des préjugés et des limitations que le passé plaçait encore trop souvent sur l’existence de personnes ne souhaitant que vivre leur vie.

L’esthétique de la tradition sans son oppression.

Samain y était resté un moment, avec son thé aux fruits rouges (deux sucres, elle n’avait même pas à le demander que Gunda savait toujours ce qu’elle voulait comme sucre avec les différentes infusions), une viennoiserie et un petit livre.



La jeune mage ne faisait que rentrer chez elle, rejoindre son colloc’ et meilleur ami Lloyd dans leur petit appart. Cependant… elle aimait toujours flâner dans les rues. La ville de Werenia était différente de bien des villes, parce que tout y tournait autour des dizaines d’universités qui s’y trouvait. Presque toutes les guildes y avaient au moins un bâtiment, et permettaient d’y entraîner dans de nombreuses langues les mages venant de toute l’Europe, voir du monde. Le mélange des langues était une grande partie ce qui faisait le charme de la ville. Des centaines d’accents, des tas de langue, des discussions parfois passant par un anglais ou français approximatif servant de lingua franca pour des étudiants tentant de communiquer comme ils pouvaient.

L’air du printemps était frais cette nuit, mais il faisait assez chaud pour n’avoir besoin que d’un petit pull. La nuit était le moment où il était possible de réfléchir à ses choix, où une fois sortie de la frénésie des études, Samain pouvait revoir comment elle en était arrivée là. Il y avait cinq ans qu’elle avait rejoint le « monde magique », mais ce n’était que depuis qu’elle était à Werenia que les choses changeaient enfin.

Elle avait il y a trois ans tenté de rejoindre les Gardiens, la grande organisation de « protection » face aux menaces magiques… mais elle avait découvert que c’était souvent plus proche d’une milice qui se voyaient comme des super héros au-dessus des autres, que de vrais protecteurs. Elle et Lloyd avaient rencontré déception sur déception dans cette organisation, jusqu’à leur décision d’en sortir. Elle se souvenait des nombreuses remarques par-derrière qu’elle avait eut sur sa transidentité, des moqueries de leur manque de résultat avec Lloyd et des nombreux manquements qu’elle avait vu et qui n’avaient jamais donné de sanction parce que les personnes qui les avaient commis étaient « bons » magiquement.

Maintenant, les deux compères faisaient comme iels pouvaient pour terminer des études. Samain commençaient à se réconcilier avec sa mère, avec qui elle avait eu une relation tumultueuse, sa mère trouvant que Samain était trop « sage » pour faire une bonne sorcière. Lloyd, lui, tentait de se défaire de l’influence toxique qu’avait eut sa famille, la puissance famille d’exorciste des Patterson. Les deux se débrouillaient comme iels pouvaient, mais les choses avançaient.



Samain eut un sourire. Elle voyait enfin un avenir, après les deux ans à douter et être anxieuse chez les gardiens. Un avenir moins « grandiose » que celui des gardiens, sans doute un petit emploi dans un laboratoire alchimique, à faire quelques constructions et artefacts magique. Mais un avenir qui ne consisterait pas à participer à un système qu’elle avait appris à détester.

Perdue dans ses pensées, ses pas retraçaient un trajet qui était devenu quotidien. Une routine qui faisait du bien, après le stress et les angoisses. Aller à la fac, étudier les cours, réviser, aller à la bibliothèque universitaire, un passage au café, et rentrer le soir pour rejoindre son appartement, où souvent Lloyd avait déjà préparé un petit dîner végé pour deux, rentrant souvent plus tôt.

Et en bande sonore, les rues animées d’une ville où elle avait enfin l’impression de vivre.



Elle s’arrêta, et vit un groupe de druide dans les jardins publics qui se montraient leurs dernières créations végétales. Samain regardait les plantes et le bois se façonner à travers les gestes des druides. Les mages les faisaient pousser comme iels le voulaient les plantes pour en faire des sculptures vivantes et mouvante, véritables machines végétales qui ne semblaient pas servir à grand-chose de plus qu’à épater les camarades. De la magie faite sans objectif, dans l’unique but d’être amusant et spectaculaire. Un entraînement par l’amusement et l’émerveillement encore possible pour quelque chose qui deviendrait un jour le quotidien et la routine.

Les lianes et le bois évoluaient dans l’espace tels des volutes de cellules, des fruits luminescents se formant tout le long des courbes de chloroplaste, éclairant d’une douce lueur verte le parc où s’amusaient les jeunes druides. Samain resta encore quelques minutes à regarder le spectacle, puis repris sa route.



Rapidement, elle atteint l’immeuble où elle et Lloyd partageaient un appartement. Elle ouvrit avec le badge la porte d’entrée et monta l’escalier. Comme toujours, il grinçait légèrement, ses marches en bois inégales forçant toujours à être attentif – Samain aurait pu prendre l’ascenseur, mais avait toujours un peu peur de le monopoliser quand elle le prenait.

Après quelques étages, elle arriva devant la porte de l’appartement. Elle l’ouvrit et salua Lloyd, allant se poser sur le canapé à côté de lui. Il était en train de surfer sur son téléphone, avachis à l’envers comme souvent quand il avait eu une journée compliquée. Samain n’avait pas besoin de lui demander ce qui s’était passé pour le deviner. Une lettre était déchirée en morceau dans la corbeille. Encore des histoires familiales. Sans doute un·e cousin·e de Lloyd qui avait décidé qu’il fallait contacter Lloyd pour lui demander de « réparer ses erreurs », le « ramener sur le droit chemin ». Tenter de reforger un lien, mais en mettant Lloyd comme responsable de tout ce qu'il avait subit par les Patterson.

— Ça va aller ? demanda-t-elle juste.

— Oui oui, répondit Lloyd. Juste la famille, tout ça. Ça ira mieux demain.

Un petit blanc

— Merci en tout cas, rajouta-t-il, un peu hésitant. C’est gentil.

Samain eut un sourire. Lloyd avait toujours un petit côté gauche quand on était gentil avec lui. Difficile de savoir comment bien y réagir quand on avait connu surtout la critique, les réprobation et les attaques. Il ne savait pas trop comment y réagir, mais s’était ouvert de plus en plus aux compliments et aux marques de gentillesses, tout en lui-même aidant quand il le pouvait Samain.

— On se fait un petit film ? proposa l’alchimiste, en allant se servir un peu du dîner qu’avait fait Lloyd – ravioli à la crème de champignons.

— Okay, je vais chercher mon ordi qu’on regarde ce qu’on peut voir.



Une fois le film choisi, Samain se cala dans le plaid à côté de son ami. Les deux restèrent comme ça, l’un à côté de l’autre, à regarder le film. Un film un peu vieillot, qui n’était pas du grand cinéma, un peu stupide, mais qui permettait de passer un bon moment.

Le monde était rarement simple à gérer. Même s’iels étaient dans une meilleure passe qu’il y a quelques années, les stress des études restaient, et la peur de ce qu’il y aurait ensuite. Trouveraient-ils un métier ? Que se passerait-il ?

Cependant, Samain sentait qu’à deux, iels se débrouillaient mieux. Samain était fière d’elle, et fière du petit duo qu’elle formait avec son meilleur ami. Et avec les autres amis qu’elle s’était fait, à la fac ou dans les soirées jeux du café.

La vie est plus agréable et facile quand on s’entraide, quand on veille les uns sur les autres.