Construire de meilleurs fandoms

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Dans mon article de la semaine dernière, j’avais un peu enfoncé une porte ouverte en indiquant qu’il y avait des soucis dans les fandoms, et en parlant un peu des soucis structurels qu’on y trouvait :

  • Une tendance à l’élitisme, à des sentiments de supériorités malvenus
  • Une tendance à la positivité et/ou négativité toxiques (parfois les deux à la fois), en se sentant une mission soit de défendre, soit de « faire changer » l’univers qu’on aimait, au point de faire des guerres toxiques.
  • Une tendance au « eux vs nous ».
  • Et évidemment la présence de tout les soucis structurels et oppressifs de notre société : sexisme, validisme, etc.
  • Les risques de grooming qu’on y trouve

Ces soucis structurels peuvent prendre diverse forme suivant les contenus ou éléments de l’histoire de base. Cependant, les fandoms étant des « lieux » ayant aussi important pour des tas de personnes, nous nous posons la question : comment améliorer cela ?

Je pense pour cela qu’on a plusieurs leviers qu’on peut utiliser pour améliorer cela :

  • La constructions d’espace plus safe ou la lutte dans celles existantes.
  • La mise en avant d’une manière plus bienveillante « d’être fan », qui ne comporte pas de hiérarchie.
  • La construction d’une modération bienveillante et inclusive, mais ferme face au harcèlement.

Évidemment, résoudre un soucis qui existe depuis des décennie en quelques lignes n’est pas faisable. Voici cependant quelques pistes, qui sont déjà implémenté dans des tas de communautés qui travaillent sur ce genre de sujet.

Construire des communautés ou lutter ?

En gros, je pense qu’il n’est pas possible de résoudre entièrement le soucis « des fandoms » dans son ensemble. Parce que c’est là qu’arrive un autre point que je n’avais pas entièrement parlé avant :

Tout fandom est hétérogène.

C’est à dire que les fandoms ne sont pas « partout pareil ». Les fandoms sont souvent un ensemble de communautés hétéroclites, sur les différents espaces d’expressions qu’ils peuvent trouver. Et du coup, ces espaces d’expressions influence beaucoup les fandoms et ce qui se produit. Le « Twitter Sonic », la communauté du forum Sonic Stadium, les différents serveurs discord, etc. ont tous leur particularités et leurs soucis. Et je pense que c’est là le levier d’où on peut améliorer les choses :

On peut construire des « sanctuaires » et des lieux ayant pour but de fournir des espaces plus sains, créer des espaces communautaires qui permettent d’offrir des lieux ou les fandoms font le travail qu’ils peuvent avoir de permettre une exploration safe, des moments de répits dans un monde assez cruel. J’ai vu parfois passé des critiques de la « fragmentation des communautés internet », mais je pense qu’elle est en partie nécessaire, qu’il faut parfois avoir à côté des grosses méta-communautés des tas de mini-communauté parallèle pour permettre à des gens de se sentir mieux.

Cependant, je pense que ça doit être complémentaire aussi avec des actions dans les espaces communautaires historiques plus larges ayant les problèmes systémiques indiqués plus haut. Ce sont des espaces sociaux et donc politique, et lutter pour qu’il y ait une meilleur gestion, une meilleur gouvernance et un meilleur traitement des gens est important, pour permettre à plus de personnes de s’y sentir bien. Cependant, il faut aussi se rendre compte qu’il faut une certaine énergie et disponibilité que nous n’avons pas toujours, d’où le besoin d’avoir les deux optiques.

Un autre point de vue sur « être fan »

Un second point important à développer, c’est les autres visions de ce qu’est « être fan » de quelque chose, pour aller vers les modèles moins basé sur la confrontation, et moins basée sur une hiérarchisation du fait d’être fan.

Pour cela, il est important de mettre en avant plusieurs choses importantes :

  • C’est normal d’avoir des goûts différents sur ce qui est bien ou non dans une série. Et non seulement ils ne devraient pas être utilisé pour définir « à quel point quelqu’un est fan », mais en plus il faut se dire qu’il n’y a aucun soucis à être moins fan, et « à quel point on aime la série » n’est pas un critère de jugement correct.
  • De même, nous ne sommes pas responsabilité de la qualité ou non-qualité de la série qu’on aime. Il n’y a pas besoin de faire porter cette responsabilité aux « fans ». Nous n’avons pas à nous « mobiliser » pour améliorer une série et les gens continuant d’acheter des jeux qu’on considère comme « moins bien » ne doivent rien à personne ; et à contrario il n’y a pas à être toujours positif sur tout ce que sort la série et les critiques sont une chose naturelle dans un fandom.

Il est important de mettre toujours en premier lieu le bien-être des membres, et non la série. Une série, une création, ne sera jamais plus importante que le bien-être de vrai personnes, les fandoms sont des lieux de socialisation où il est plus important de faire en sorte que les gens se sentent bien. Et cela veut dire aussi bien ne pas attaquer les gens pour leur goûts sur ce qui est bien ou non, que d’être prêt à accepter que des gens soient critiques envers quelque chose.

Une critique ne doit pas être tourné comme une attaque envers les gens qui aiment ou n’aiment pas quelque chose, mais doit être un point de vue sur la qualité d’une œuvre (a noter que si une critique est faite sur des critères oppressifs (validistes, lgbtphobes, etc)… il est important de la voir comme ce qu’elle est : non pas une critique, mais un discours oppressifs. Dire « ouin c’est woke y’a des lgbts/racisé⋅es/etc », c’est pas une critique).

Il faut faire attention aussi à la manière dont les discours exagéré se diffusent dans les fandoms, les rumeurs, les colères amplifiées par les médias (dans le fandom Sonic, beaucoup de « Sonictubeur » plongent facilement dans les fausses infos, et l’exacerbation des discours ce qui rend très douloureux beaucoup de discussions parce que cela créer beaucoup de travail à défaire des idées fausses)

C’est une responsabilité que se partagent ici à la fois les fan-media et les communautés de fans, en permettant aussi à des discours nuancés de se diffuser, et en rendant plus visible comment se passe la création d’une oeuvre, en « réhumanisant » les créatifs derrière et évitant les effets néfastes de médias.

La modération

Une autre chose importante (et qui permet les éléments précédant) est de travailler la modération. La modération ne doit pas être une police. Le but de la modération n’est pas de jouer au policier, jouer à la personne de pouvoir, et surtout pas d’être comme dans les vieux forums dans ce mood du « j’ai le pouvoir ta gueule ». Le rôle de la modération est de garantir un espace convivial et safe pour tout le monde. A noter qu’ici « tout le monde » veut dire : « tout le monde qui est prêt à jouer les règles du jeu de respecter et être bienveillant envers les autres, de ne pas être oppressif ». De même il faut comprendre que la bienveillance n’est pas d’être toujours tout gentil tout mignon : il est largement plus malveillant de tenter de pousser quelqu’un à la colère à coup de sous-entendus oppressifs, sexistes, etc… que de s’énerver contre ça.

Ce qu’il faut comprendre c’est que pour une bonne modération il faut réussir à différencier :

  • Comportement véritablement disruptif de comportement juste de « coup de sang » (genre quelqu’un qui s’énerve après un propos sexiste). Quelqu’un qui s’énerve et est pas très agréable, il faut se demander pourquoi, et si la désescalade et l’écoute n’est pas une meilleurs approche que la sanction. La sanction devrait même être un dernier recours, ou gardé pour les cas vraiment.
  • Savoir également différencier quelqu’un d’un peu ennuyant, embêtant, de quelqu’un de véritablement néfaste. Dans toute situation, il y aura des gens qui ne sont pas parfait, dont le caractère n’est pas 100% notre tasse de thé. Qui font des trucs qu’on voit comme un peu « cringe », etc. Notre rôle n’est PAS de les modérer, tant que leur action n’est pas néfaste aux autres (par contre, quand les propos ne sont pas acceptable (sexisme, validisme, etc), ils doivent être modérés).

Il faut aussi être prêt à call-out les mauvais comportements dangereux, ceux oppressifs, le harcèlement, quand ils arrivent, pour protéger le plus possible les membres. Et il faut être prêt à faire ça même pour les membres qu’on trouve « sympa ». Ce n’est pas parce que quelqu’un est « le membre sympa », « la personne cool », « un ancien », qu’on doit accepter des comportements néfastes qui font du mal aux membres, surtout à celleux déjà victimes d’oppressions. C’est un grand soucis de beaucoup communauté, d’avoir un groupe de personne intombable pour qui tout est permis. Il faut aussi être prêt à call-out les comportement néfastes, allant dans le sens de la communauté, le « chauvinisme de communauté ».

Et évidemment, il faut avoir une vigilence toute particulière sur le grooming. Dans les communautés qui comportent à la fois des mineurs et des adultes, il faut que les modérateurs soient sensibilisés sur les risques de grooming, et soient à l’écoutes en les victimes potentielles, et vigilent sur les comportement des adultes autour des plus jeunes.

Il faut aussi être prêt à réagir si une personne fait quelque chose de dangereux pour elleux-même, genre donner une information privées dans un espace public et tout, mais réagir avec bienveillance.

Conclusion

En bref, je pense qu’il est important pour aider à améliorer le fandom, de créer des espaces qui seraient plus sains, qui permettraient aux gens de pouvoir discuter des sujets qui leur place sans avoir à subir les attaques et les oppressions.

C’est important parce qu’il y a de nombreux soucis qui sévissent dans les fandoms, qui sont pourtant pour certains un peu un des seuls espaces disponibles sur internet pour se protéger un peu. En créant ces espaces, on peut à la fois assainir les discours en leur permettant d’avoir lieux dans des espaces sains, et offrir à des personnes NA des espaces d’expressions lgbt-friendly, racisé-friendly, etc. pour des sujets qui les passionnent. Cela permettrait de discuter des sujets, sans avoir tout le baggage de « telle fandom est mieux que tel autre » ou « quoi, tu aimes ça, mais c’est nul ?!! » (ou inversement « tu n’aimes pas ça ?! »).

Et ces meilleurs espaces, c’est à nous de les créer. Que ce soit en améliorant les choses dans ceux existant, ou en tentant de créer de nouveaux qui seraient plus sains.